Une urbanisation galopante
L'Afrique est aujourd'hui le continent où les villes se développent le plus rapidement. Quelles sont les caractéristiques de cette croissance urbaine ? Quels problèmes pose-t-elle ?
1. La croissance urbaine
1.1. Une mesure de la croissance urbaine
L'Afrique est encore un continent majoritairement rural. De fait, 305 millions seulement des 870 millions d'Africains vivent en ville : le taux d'urbanisation n'est que de 36 % alors qu'il se situe autour de 80 % en Europe.
Mais l'Afrique est aujourd'hui le continent où la population urbaine progresse le plus vite, nettement plus vite que la population totale ; par exemple, entre 1950 et 2000, la population totale de l'Afrique subsaharienne a été multipliée par 3, la population urbaine par 9.
Le taux de croissance urbaine est donc exceptionnel : +5 % par an entre 1980 et 1995. Il existe aujourd'hui 30 villes de plus d'un million d'habitants ; leur nombre devrait doubler d'ici 2020.
1.2. La répartition de la croissance urbaine
La croissance urbaine varie selon les pays. Certains sont encore peu urbanisés (8 % au Burundi) ; d'autres, souvent des États pétroliers, le sont beaucoup plus : 86 % en Libye.
Trois grands groupes de villes apparaissent : celles d'Afrique du Nord, dont Le Caire, la première agglomération africaine avec 16 millions d'habitants ; celles d'Afrique du Sud, autour de Johannesburg ; enfin celles d'Afrique de l'Ouest, notamment Lagos (10,1 millions d’habitants en 2003) au Nigeria, le pays le plus peuplé du continent (137 millions d'habitants en 2004).
L'Afrique sahélienne et orientale, en revanche, apparaît nettement moins urbanisée. Les villes y sont à la fois plus petites et moins nombreuses.
1.3. Comment expliquer cette croissance urbaine ?
Contrairement à la croissance urbaine de l'Europe au xixe siècle — où l'exode rural a longtemps été le seul moteur de croissance —, celle des villes africaines résulte du cumul de deux facteurs : l'exode rural, mais aussi l'excédent démographique naturel.
La croissance démographique dans les campagnes pose toujours de graves problèmes de survie : les terres, sans cesse partagées entre de nombreux enfants, deviennent trop petites pour nourrir une famille. L'émigration vers la ville la plus proche dans l'espoir d'y trouver du travail apparaît comme la seule solution : c'est l'exode rural.
Mais la croissance urbaine est avant tout la conséquence de l'excédent naturel. Les conditions sanitaires étant souvent meilleures en ville, la mortalité infantile y est plus faible et donc la croissance démographique plus forte. Le nombre d'enfants par femme commence certes à diminuer, mais assez lentement.
2. Les trois étapes de la formation des villes africaines
2.1. Les villes arabo-musulmanes du Maghreb
Les plus anciennes sont les villes du Grand Maghreb : Fès ou Marrakech au Maroc, Carthage en Tunisie, Le Caire ou Alexandrie en Égypte.
Très marquées par l'héritage arabo-musulman, elles s'organisent autour de la vieille ville, la médina. Lorsque cette vieille ville est fortifiée, elle prend parfois le nom de Kasbah (forteresse), comme à Alger. Les habitations à cour intérieure sont serrées les unes contre les autres, séparées par des rues étroites pour mieux se protéger du soleil. Deux bâtiments publics se distinguent : la mosquée et le bazar (souk).
Avec la colonisation, une ville moderne, « européenne », s'est ajoutée à la médina. Autrefois résidence des colonisateurs, elle rassemble depuis l'indépendance les populations aisées. Quant aux populations les plus pauvres, venues de la campagne, elles s'installent à la périphérie, le plus souvent sur des espaces sans équipement, dans des habitations précaires, les bidonvilles. Il existe donc une forte ségrégation sociale : les riches d'un côté, les pauvres de l'autre.
2.2. Les villes sud-africaines
Les villes sud-africaines sont très originales : relativement anciennes, elles sont souvent d'origine industrielle ; elles sont fondées sur une ségrégation raciale.
Plus que partout ailleurs sur le continent, les villes sud-africaines sont nées de l'industrie. En 1886, la découverte de gisements d'or entraîne la naissance de Johannesburg. En 1898, l'agglomération atteint 200 000 habitants, 400 000 en 1930, 3 millions en 2003. Avec Pretoria au nord (1,2 million) et Vereeniging au sud (un peu moins d'un million), Johannesburg forme un espace urbain et industriel sans équivalent en Afrique : le Gauteng.
L'Afrique du Sud a été une colonie de peuplement : les Blancs y ont construit leurs propres villes et ont décidé de séparer leurs résidences de celles des Noirs. C'est ainsi qu’ont été créées les townships, vastes lotissements noirs séparés des quartiers blancs par des zones tampon (zones industrielles ou voies ferrées), ou rejetés en périphérie. Le centre, quant à lui, rappelle, avec ses gratte-ciel, les villes d'Amérique du Nord.
2.3. Les villes d'Afrique intertropicale
Les grandes villes d'Afrique intertropicale, plus récentes, sont presque toutes des créations coloniales, à l'exception des villes de l'intérieur nigérian (Ibadan, Kano).
Avant la colonisation, les villes d'Afrique intertropicale étaient essentiellement des centres de commerce entre l'Afrique noire et le monde arabe. À leur arrivée, les colonisateurs ont créé d'autres villes pour contrôler le territoire depuis le littoral et exporter la production vers les métropoles. Ce sont donc presque toutes des ports : Dakar, Abidjan, Accra, Luanda ou Cotonou…
L'agglomération portuaire de Lagos, avec 10,1 millions d'habitants, est classée au 20e rang mondial. En 2015, elle devrait être la troisième ville du monde, avec 25 millions d'habitants.
3. La crise urbaine en Afrique
3.1. L'emploi et le chômage
La croissance actuelle des villes africaines ne s'accompagne pas d'un développement comparable des activités économiques ; c'est la cause principale de la crise urbaine en Afrique.
Les villes industrielles sont peu nombreuses, sauf en Afrique du Sud. Le chômage est donc très élevé, sans qu'il soit toujours possible de le chiffrer. Il encourage les activités illicites (mendicité, vol, prostitution, trafics divers) ou marginales.
C'est ainsi que s'est développé le « secteur informel » : un ensemble de petits métiers non-salariés, qui représentent jusqu'à 60 % des emplois urbains en Afrique subsaharienne, et jusqu'à 90 % au Bénin ! Ces petits métiers (artisanat de récupération, revente au détail de produits divers, menus services…) permettent la survie d'une grande partie de la population.
3.2. Un équipement rudimentaire
L'accès à l'eau potable est insuffisant dans la plupart des villes africaines, et les zones de bidonvilles sont moins bien desservies que les quartiers « en dur ».
Les problèmes concernent aussi l'évacuation des eaux usées : la plupart des villes d'Afrique intertropicale ne disposent pas de réseau d'égouts.
Manque d'hygiène et mauvaise qualité de l'eau sont donc les causes de nombreuses maladies (infections, diarrhées…) et d'une mortalité infantile importante. L'équipement en hôpitaux étant également déficient et les médicaments hors de prix, on comprend que la question de l'eau soit vitale pour les villes africaines.
3.3. Les déplacements urbains
Le développement de l'automobile dans les villes africaines rend la circulation de plus en plus chaotique. Si les villes sud-africaines, largement étalées dans l'espace, ne sont pas trop concernées par cette difficulté, les villes d'Afrique noire connaissent bien le problème. Lagos, par exemple, est fréquemment paralysée par les embouteillages, que l'on appelle les go slow (« aller lentement »).
Les transports en commun sont peu développés. Seule la ville du Caire possède un métro, encore embryonnaire. Partout ailleurs, ce sont surtout des autobus, souvent délabrés, assez peu nombreux et donc pris d'assaut aux heures de pointe.
Les quartiers les plus éloignés, des bidonvilles pour la plupart, sont mal desservis.
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