Titien
Titien (v. 1490-1576), peintre vénitien, dont le rôle fut primordial dans le développement de l’école vénitienne du Cinquecento.
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LES ANNÉES DE FORMATION |
Né à Pieve di Cadore, au nord de Venise, Titien (en italien Tiziano Vecellio) étudia à Venise auprès de Giovanni Bellini.
Le premier document mentionnant Titien date de 1508 et précise la commande des fresques qu’il réalisa avec Giorgione au Fondaco dei Tedeschi de Venise (vestiges en place). Les opinions des spécialistes divergent quant à la paternité des tableaux peints par Titien lors de la première décennie du XVIe siècle. Parmi les œuvres les plus importantes encore discutées figurent la Nativité Allendale (v. 1506, National Gallery of Art, Washington), qui se fait largement l’écho de Bellini. Le Concert champêtre (1509, musée du Louvre, Paris) est pour sa part aujourd’hui reconnu comme étant de la main du Titien, bien que fortement imprégné de la manière de Giorgione.
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LES PREMIÈRES ŒUVRES DATÉES |
Titien, Bacchus et Ariane
Grand maître de la peinture vénitienne, Titien réalisa la toile à la demande du duc Alphonse d'Este. Il retranscrit avec vigueur la joie et la frénésie du cortège de Dionysos, ou Bacchus, dieu grec du Vin, de la Végétation et du délire extatique. Le dieu, représenté au cœur d'un cortège de satyres et de bacchantes, fait ici la rencontre d'Ariane, abandonnée par Thésée sur l'île de Naxos. Il la recueillit et l'épousa.Titien, Bacchus et Ariane, 1520-1523. Huile sur toile, 172,2 × 188,3 cm. The National Gallery, Londres.
Erich Lessing/Art Resource, NY
À Padoue, en 1511, Titien réalisa les trois fresques de l’Histoire de saint Antoine, pour la Scuola del Santo. L’innovation de ce travail, qui traduisait en termes coloristes les apports techniques toscans, passa inaperçue auprès de ses commanditaires. Par la suite, Titien enrichit progressivement le style dit « champêtre » de Giorgione. L’Amour sacré et l’Amour profane (v. 1514, galerie Borghèse, Rome) conclut une période de recherches plastiques. L’évolution des thèmes iconographiques franchit une nouvelle étape dans les trois bacchanales que Titien peignit pour une chambre du palais du duc Alfonso d’Este à Ferrara, entre 1518 et 1522 (Offrande à Vénus et la Bacchanale, tous deux au musée du Prado, Madrid et Bacchus et Ariane, aujourd’hui à la National Gallery, Londres). Ces tableaux ont transformé l’idylle de l’arcadie giorgionesque en célébrations dionysiaques. Ils prennent leur source dans la littérature latine, dans les figures d’anciennes sculptures retravaillées, et dans la « peinture plastique » de Michel-Ange.
Dans le domaine de l’iconographie religieuse, le travail de Titien connut des aspects semblables. Dans la puissante Assomption de la Vierge (1516-1518), sur le haut retable de Santa Maria dei Frari à Venise, il organisa la surface colorée dans une dynamique ascendante des figures. Son dévoilement, en 1518, fit sensation. Dans un autre tableau pour cette église, la Pala Pesaro (1519-1526), Titien effectua un changement important dans l’iconographie des sacre conversazioni de la Renaissance (peinture de la Vierge sur un trône entourée de saints) en plaçant la Vierge, traditionnellement au centre de la composition, à mi-chemin de la partie droite, et en peignant deux colonnes géantes derrière elle, en régression diagonale, qui s’élancent en dehors de l’espace de l’image. Ce nouveau schéma a été largement adopté par les artistes ultérieurs, tels que Paolo Véronèse ou les Carrache.
Ces peintures montrent que Titien était informé des recherches en cours ailleurs à l’époque, mais qu’il ne connut qu’à travers des gravures et des dessins avant son voyage à Rome, en 1545-1546.
Titien, Portrait d'Isabelle d'Este
Une des femmes les plus célébrées et les plus cultivées de la Renaissance et grand mécène des arts, Isabelle d'Este (1474-1539) a notamment été la protectrice de Léonard de Vinci, Raphaël et Titien. Le portrait de Titien représente Isabelle d'Este telle que le peintre l'a idéalisée à l'âge de seize ans (d'après une toile de Francesco Francia), à l'époque de son mariage avec François de Gonzague.Titien, Portrait d'Isabelle d'Este, 1534-1536. Huile sur toile, 102 × 64 cm. Gemäldegalerie, Kunsthistorisches Museum, Vienne.
Ali Meyer/Kunsthistorisches Museum, Vienna/Bridgeman Art Library, London/New York
Les tableaux de Titien des années 1530 sont marqués par des raffinements picturaux que l’on observe dans la Vénus d’Urbino (1538, galerie des Offices, Florence), une reformulation de la Vénus endormie, de Giorgione (v. 1510, Gemäldegalerie, Dresde).
Titien, Charles Quint à cheval
Réalisé entre avril et septembre 1548 au cours du séjour que Titien fait à Augsbourg (janvier-octobre 1548), ce portrait équestre de l'empereur Charles Quint est un hommage du peintre de cour au vainqueur des princes protestants lors de la bataille de Mühlberg (24 avril 1547).Titien, Charles Quint à cheval, 1548. Huile sur toile, 332 × 279 cm. Musée du Prado, Madrid.
Archivo Fotografico Oronoz
Les innovations les plus importantes de Titien dans les années 1530 à 1550 ont été réalisées dans l’art du portrait. En 1516, il fut nommé peintre officiel de la république de Venise. Il travailla ensuite pour la cour de Ferrare et celle de Mantoue. Dans les années 1530 et 1540, il commença à peindre des portraits de l’empereur Charles V et du pape Paul III. Sur l’invitation du pape, il visita Rome où il rencontra Michel-Ange. Il travailla à la cour de l’empereur du Saint Empire romain germanique Charles V à Augsbourg (Bavière) en 1548 et 1550. À la suite de cette période à la cour, il obtint de nombreuses commandes de portraits officiels.
Titien, Portrait de Charles Quint assis
Au lendemain de la victoire de Mühlberg, Titien est invité à Augsbourg de janvier à octobre 1548. Il réalise, en même temps que le Portrait de Charles Quint à cheval, ce Portrait de Charles Quint assis. Titien, Portrait de Charles Quint assis, 1548. Huile sur toile, 203,5 × 122 cm. Bayerische Staatgemäldesammlungen, Alte Pinakothek, Munich.
Archivo Fotografico Oronoz
Le portrait constituait toutefois une catégorie artistique particulière, souvent méprisée des peintres de la Renaissance pour son aspect trop directement mimétique. Il mettait en relief certaines personnalités aristocratiques et l’opulence des commanditaires, comme dans le portrait de Federigo Gonzague (v. 1526, musée du Prado, Madrid). Les arrière-plans à l’atmosphère neutre des premiers portraits semblent être remplacés par des éléments disposés prudemment, comme une colonne, un rideau ou une vue de paysage. Ces éléments, et les motifs dans lesquels Titien les arrangea, sont restés des exemples de l’art du portrait formel jusqu’au XXe siècle. Dans certains portraits des années 1540, cependant, comme Pietro Aretino (collection Frick, New York) ou celui du Pape Paul III (1543, museo nazionale di Capodimonte, Naples), Titien déploya ses compétences plastiques afin d’utiliser à des fins artistiques cette opportunité financière.
Titien, Philippe II, roi d'Espagne
Titien, Philippe II, roi d'Espagne, seconde moitié du xvi e siècle. Huile sur toile. Museo nazionale di Capodimonte, Naples (Italie).
Erich Lessing/Art Resource, NY
Après 1550, lorsque Titien retourna à Venise, son style évolua encore. Dans une série de peintures mythologiques pour Philippe II d’Espagne, qui commence par la Danaé (v. 1553, musée du Prado, Madrid) et comprend l’Enlèvement d’Europe (v. 1559-1562, musée Isabella Stewart Gardner, Boston), les formes ont perdu progressivement leur solidité et ont été partiellement dissoutes dans des textures de peinture voilées et des coups de pinceau vibrants. Le dessin est alors composé au moyen de la couleur. Il a atteint l’apogée dans la violente Mort d’Actéon (v. 1561, The National Gallery, Londres) avec sa tonalité de bronze et ses textures travaillées au glacis. Le Supplice de Marsyas (v. 1570-1576, Kroměř¡ž, République tchèque) et la Nymphe et le Berger (v. 1574, Kunsthistorisches Museum, Vienne) sont des tableaux encore plus profonds.
Ces œuvres furent effectuées parallèlement à une série de peintures religieuses exaltées, dans lesquelles la même dissolution progressive des formes par la couleur et la lumière prenait place, souvent dans un décor nocturne. Elles comprennent la stupéfiante Annonciation (1560-1565, San Salvatore, Venise) et le Couronnement d’épines (v. 1570, Alte Pinakothek, Munich). Ce dernier style, phénomène étonnant dans le contexte de l’art de la Renaissance, a eu sa manifestation finale dans la Pietà réalisée pour la chapelle de la propre tombe de Titien ; l’œuvre resta inachevée à sa mort et se trouve aujourd’hui à l’Académie de Venise.
L’importance que notre époque accorde à la peinture de Titien est essentiellement due aux préoccupations très plastiques, et donc considérées comme très modernes, du maître vénitien. Il ne faut cependant par surestimer son incidence historique immédiate. Les milieux artistiques vénitiens fonctionnaient de manière assez cloisonnée et beaucoup d’artistes des autres régions ne connurent longtemps sa peinture qu’au moyen de gravures, sans donc pouvoir évaluer son travail sur la couleur. Titien mourut à Venise en 1576.
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